A tous,
Ce que je vais "offre" à lire aujourd'hui est surement l'un des articles les plus difficiles à rédiger pour moi.
Mon père, 65 ans, est hospitalisé depuis le 10 septembre à l'hôpital de Loudun (86) - C'est une petite ville de 10 000 habitants qui a encore son hôpital.
Il est entré dans la phase terminale de son cancer qui s'est généralisé. Le temps, pour moi, tourne au ralenti depuis le 10 et j'appréhende chaque sonnerie du téléphone.
Mon père n'a jamais été malade, même pas une grippe. Il n'a jamais coûté un centime à la Securité Sociale. Il n'aura été malade qu'une seule fois dans sa vie.
Nous savons qu'il est condamné mais, car il y a un "mais" et plusieurs même.
Depuis plusieurs jours, nous nous battons, non pas pour qu'il aille mieux mais pour que l'hôpital le traite dignement.
Fait n° 1 :
Mon père mesure 1 m 70 et ne pèse plus que 47 kilos.
Qu'ont-ils fait hier ? Ils ont oublié de lui apporter son repas...
Fait n° 2 :
Dans la nuit de jeudi à vendredi, il s'est levé pour aller aux toilettes. Il est tombé, s'est cogné la tête et est resté 1 heure dans une marre de sang avant que quelqu'un ne s'en rende compte.
Fait n° 3 :
Depuis plusieurs jours, ma belle-mère et ma tante sont harcelées, il n'y a pas d'autres mots, sont harcelées pour que nous mettions en place une H.A.D. - Hospitalisation A Domicile.
Nous leur avons expliqué que c'était impossible car il resterait seul plusieurs heures par jour, Nathalie, ma belle-mère, travaillant.
Les infirmières nous ont demandé de mettre à contribution la famille, les amis et les voisins.
Cette semaine, ce harcèlement a prit une autre dimension car maintenant, ils nous font culpabiliser avec des mots très durs : "Vous êtes des monstres, vous l'abandonnez, vous n'en avez rien à faire".
Tout ça pour quoi ? Pour ne pas dégrader les statistiques de mortalité de ce petit hôpital...
Fait n° 4 :
Il est en phase terminal sans traitement (plus rien ne fonctionne) et sous morphine. Il se déplace pour faire 2 pas et après il se recouche. Il dort 80 % du temps.
Un rendez-vous chez son cancérologue est prévu depuis plusieurs mois à Poitiers. Et bien ce rendez-vous est quand même maintenu, il va devoir faire, en ambulance médicalisée, plus de 150 kilomètres aller/retour pour aller écouter un "grand professeur" lui dire quoi ??? Mais le rendez-vous était prévu, ils n'y touchent pas...
Il faut bien que ce "grand professeur" soit payé, c'est surement ça le plus important.
Fait n° 5 :
Lorsque je suis passé le voir en fin de semaine dernière, j'ai questionné les infirmières sur son alimentation (il est alimenté par perfusion la nuit). L'infirmière m'explique qu'ils lui donnent 1 000 calories par jour. Je demande donc comment il absorbe les 1 500 manquantes.
La réponse de l'infirmière a été : "Il faut qu'il mange ce qu'on lui donne...". Il a un cancer de l'oesophage, plus rien ne peut plus passer. L'infirmière insiste : "Il faut qu'il mange".
Fait n° 6 :
Hier soir, je regarde les infos et là tombe l'info qui m’assomme un peu plus : "L'étude sur les effets des maïs transgéniques et du désherbant "Roundup". Mon père a utilisé du Roundup pendant toute sa vie.
Cela n'a fait qu'un tour dans ma tête. Les explications que l'on donne, à savoir, la clope et l'alcool, je dis "Oui... Mais pas que..."
Fait n° 7 :
Le cancer de l'oesophage n'est pas le plus courant des cancers. Dans le village de mon père qui compte un peu plus de 600 habitants, 3 personnes ont eu ce cancer et presque en même temps. Deux en sont décédé, mon père étant le "dernier survivant". En parlant un peu avec tout le monde, dans cette région (c'est surement vrai pour toutes les autres), il n'y a pas une famille qui ne soit pas touchée par un cancer.
La tristesse fait partie de mon quotidien maintenant mais une colère profonde est en train de monter en moi, colère contre ce système qui est en train de tous nous déshumaniser totalement, qui rend le malade et sa famille coupable de tous les maux, système qui nous demande à nous, famille, amis, voisins, d'être infirmières ou aide-soignantes.
Je suis au bord de l'implosion et pour l'instant je n'ai aucun moyen d'agir à part être auprès de mon père le plus possible et partager ma douleur et ma colère sur le net.
A tous ceux qui sont en bonne santé, je prie pour que vous le restiez. Lorsque l'on tombe malade aujourd'hui, c'est la roulette russe. Et si vous n'êtes pas fortuné, il y a une balle dans chaque orifice du barillet.
La santé n'a pas de prix et ne doit jamais en avoir.
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