Ce qui m'a le plus ému, sans me surprendre, en t'écoutant ce matin à la radio, mon cher Wilfred, ce fut ton humour. Sans être un de tes amis proches, je t'ai suffisamment côtoyé pour apprécier cette ironie douceâtre, rarement méchante, qui aurait fait de toi une sorte de Lord Henry des temps modernes.
Amusant que ce soit le portrait de Dorian Gray qui me vienne en tête tandis que je démarre ces lignes. Ce portrait qui se cabosse, se triture, se violente, à mesure que son modèle demeure jeune et invincible... Je ne puis m'empêcher d'y cerner une métaphore de ce que nous vivons en ce moment.
Ce portrait qui fut celui que tu nous exposas, avec vigueur, avec hargne, avec une certaine gravité évidemment, ce portrait n'est en effet pas ton visage. Il est le leur, et tu l'exprimas fort bien en ces quelques mots laconiques : « Voici le vrai visage de l'homophobie », signature simple, éclairante, inquiétante de ce qui se produisit ce triste samedi soir.
Ce portrait qui se démolit, ce sont eux, ces députés piteux, à bout de souffle et arrogants qui viennent exposer leurs névroses par de pathétiques effets de manche, ces manifestants d'une autre France, une France qui n'a jamais existé et n'existera pas, une France des églises, une France des enfants en blouse, une France de la blanquette de veau.
Cette France n'existera plus jamais et c'est toi, nous donc, qui en es jugé seul responsable. Ta présence, ta gaieté, ton sourire, tout cela leur rappelle qu'ils se battent pour un symbole, pour un astre noir qui ne brillera plus et qui est déjà réduit à l'état de cendres.
La violence, les invectives, les marches, les mensonges sur le nombre de manifestants, les roulements de glotte d'un pathétique Guaino qui ne supporte plus d'être devenu une petite personne sans importance, les saillies mélodramatiques d'une Boutin qui n'aura jamais souffert autant que toi en quelques minutes, les lâchetés de ceux qui viennent en masque et de nuit nous traiter de sous-hommes, tout cela, c'est un chant du cygne, l'ultime salve de ceux qui n'ont plus que la morgue pour survivre.
Ton sourire et ton humour, ton visage qui ne vieillira jamais bien qu'abîmé, tandis que le leur se décompose dans la haine, la brutalité, la rudesse des mots et des insultes, ton visage doit être notre lumière tandis que ton portrait n'est que leur sinistre fin. Ton visage montre que c'est nous qui sommes la vie, qui sourions au monde, qui continuons, malgré la petitesse de nos opposants, à parler d'amour, d'avenir, de lumière.
Ton visage souriant, mon cher Wilfred, demeurera éternel ; de la photo qui circula, bientôt, il ne restera tout au plus qu'un souvenir, pour toi, pour Olivier ton compagnon, pour nous tous. Mais pour eux, ceux qui ne savent pas faire autre chose de leur vie que de nous haïr, il restera le reflet sinistrement réaliste de ce qu'ils n'ont jamais cessé d'être, en dépit des paillettes, des ballons rose et bleu, des joutes verbales et compassées, il sera leur fantôme, qui les hantera dans l'obscurité tandis que nous avancerons dans la lumière.
Merci Wilfred, de nous avoir rappeler que malgré ce qu'ils disent, c'est nous qui sommes et demeurerons la vie.
Texte de Jérôme Walczak-Capelle.
Question :
Aucune... Enfin si, une, mais qui n'a rien à voir avec le sujet et qui relève plutôt de ma relation privilégiée avec Jérôme :
"Jérôme,
quand vas-tu te mettre
à écrire pour de bon ?"
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