"Je voudrais ici te remercier Gérard Depardieu. Je me permets de te tutoyer, il paraît que tu n’es pas trop à cheval sur les élégances et les préséances. Tout d’abord parce que tu as réussi à rendre Jean-Marc Ayrault à la gauche, l’espace d’une réplique certes, mais ne soyons pas trop exigeant, il paraît que c’est manquer de réalisme en ces temps difficiles. Car nous ne parlons pas en l’occurrence au grand acteur que tu as été et que tu n’es plus guère, et qui, comme tes prédécesseurs, fait rêver les progressistes à la sauce Groland en étant finalement au plus profond de lui un réac de première classe. Mais je ne veux pas parler ici du comédien. Quelque part il est fini depuis longtemps et l’essentiel se situe sur un tout autre plan. Il faut te remercier Gérard Depardieu car par ton geste, ta lettre, tu as révélé, sans le vouloir évidemment, la véritable conception du patriotisme de l’UMP. La gauche ne mène pas ce combat de fond, cette bataille politique, ce corps-à-corps idéologique. Alors tu lui as rendu ce petit service. Finalement, seul le résultat compte. Je l’ai déjà dit, en cette période de vaches maigres , il ne faut pas faire la fine bouche.
Ce n’était pas il y a si longtemps. Lors d’un mondial en Afrique du sud, et un peu avant et un peu après. Nous avons eu le droit aux grands sermons des Zemmour, Polony, Finkelkraut. Toute cette droite nouvelle (bien moins intello transgressive que la « nouvelle droite ») se disait victime de la bien-pensance et se faisait déjà la main –sans risque- sur les footeux. Tu sais, ces sales gosses issus des quartiers populaires qui osaient réussir et gagner trop d’argent sans le cacher. Bien sur comme les bon gars du Medef ou du Carlton, mais il fallait leur trouver un grief, une tare, ils n’étaient pas à leur place. La solution est sortie toute cuite de la tête d’un Buisson. Ils ne chantaient pas la Marseillaise. Cela manquait de patriotisme, d’amour du pays, bref de reconnaissance du ventre pour ces petits descendants d’Algériens ou d’ « AOF ». Leur argent était forcément aussi sale que celui de leurs petits « cousins » dealers. En fait, ils sont tous pareils, ils n’aiment pas la France et après tout est-ce vraiment « chez eux » ? Comment défendre des stars du ballon expatriés qui snobent à ce point les bonnes manières . Peu importe qu’un Michel Platini hausse des épaules, découragé par tant de bêtises racontées sur un hymne national que lui-même a avoué ne jamais avoir entonner sur une pelouse. « La France aime-là ou quitte là ! ». Comme souvent on expérimenta dans le foot les logorrhées à venir de la campagne électorale d’un Nicolas Sarkozy soucieux d’éviter a tout prix de parler du social ou d’économie.
Et puis tu es venu Gérard Depardieu. Tu veux rendre ton passeport et ta carte vitale. Tu nous as bien fait rire, ce n’est pas souvent en ce moment. Et le soutien de l’UMP s’avéra la cerise sur le gâteau. Certes, le principal parti d’opposition navigue un peu à vue entre sa droite forte Ricard et sa droite bordelaise à consommer modérément. Il n’empêche, tout est devenu clair. Il est donc normal au regard de l’odieuse politique « polpotiste » du gouvernement socialiste que tout bon citoyen français déserte avec son pain au chocolat en or massif sous le bras, afin de ne pas avoir à se plier à la loi inique et au joug du trésor public, un peu comme Copé s’arroge déjà le droit de ne pas unir des couples homosexuels même si le mariage pour tous est adopté. C’est aussi simple que cela. La loi républicaine selon l’UMP n’est pas une obligation pour tous mais presque une démarche indexée sur le taux de kétamine du citoyen ou son solde de compte bancaire.
Car Gérard, pour tous les ténors d’une droite libérale, décomplexée ou encore forte, tu peux toi, prototype du bon Français bien de chez nous, te permettre ce qui n’a jamais traversé l’esprit d’aucun Nicolas Anelka ou Franck Ribéry, voire un Samir Nasri : abandonner ta nationalité. Ceux qui distribuaient les drapeaux tricolores un 1er mai pour tout programme politique trouvent donc légitime un tel mépris de la nation, par pur égoïsme, un peu comme ces aristos partis combattre en 1792 avec les armées prussiennes pour garder leurs privilèges. Sauf que toi, l’ancien interprète des Misérables, tu as choisi la Belgique et j’en suis presque triste pour eux, car j’aime beaucoup la Wallonie. Et j’ aime aussi beaucoup la France. Son histoire, ses acquis sociaux, sa démocratie, sa solidarité nationale et donc sa sécurité sociale. Je l’aime tellement que lorsque Nicolas Sarkozy la déshonora avec un ministère de l’Identité nationale ou en essayant de placer son fils à la tête de l’EPAD, je suis quand même resté. J’ai continué de vivre dans l’hexagone, et en dépit des cadeaux accordés aux entreprises et du bouclier fiscal, j’ai envoyé mon tiers-payeur qui, sache-le, ampute davantage mon pouvoir d’achat que le tien ou celui de tes camardes du 75%. Cela dit, je voulais encore vraiment te remercier. Si on ne sait plus trop ou se trouve la gauche, de Notre-Dame-des-Landes aux expulsions de Roms sans oublier la capitulation en rase campagne devant les banques, nous savons de nouveau où se trouve le patriotisme de la droite décomplexée et à quoi il sert : culpabiliser les pauvres et les immigrés depuis la tour d’ivoire d’un bel exil fiscal. Mon pays et ses résidents méritent mieux. Au fait, connais-tu l’hymne belge ?"
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